Laissez moi conter ce qui leur arriva ensuite.
Le chien de garde et son roi, avaient fait de ce royaume un endroit ou il faisait bon vivre, mais malheureusement, le roi semblait en proie au plus grand des désespoirs.
"Votre Majesté, que vous arrive t-il?" se risqua à questionner le garde favori, de ceux qui avaient certainement couché pour réussir. "Mon bon garçon, me voilà en mal d'aventures. Le royaume est prospère, ses habitants heureux, mais moi, mon cher ami, je me sens seul. Le besoin d'aventure, de ces lampées d'adrénaline que l'on boit comme du petit lait, qui nous reviennent à l'esprit comme un grand coup en plein visage, se font ressentir. Je suis malheureux. Je dois partir, loin."
Le hasard voulut que, par un jour de grand froid, un colporteur plutôt talentueux, de ceux qui auraient vendu un nécessaire de toilette à un Nycticorax vienne leur conter une légende que le roi crut sans plus de réflexion.
Il s'exprima en ces termes : " Il est de ces créatures sanguinaires, qui vivent dans des trous creusés à même le roc, par la simple force de leur corps et qui vivent, mangent, dorment et commettent leurs charnels méfaits sur des tas de pierreries et d'or, que l'on dit glanés au gré de leurs sanglantes et ignobles expéditions, à des voyageurs honnêtes, de riches marchands crédules et même quelques navigateurs avisés. Leur ventre, si mou, collé contre les pierreries, finit par ne faire qu'un avec ces dernières, et c'est un plastron richement orné qui se dressera fièrement devant vous, lorsque vous aurez à vous battre ! Mais quiconque détruira cette créature se verra devenir propriétaire de l'immense richesse du monstre."
Même si le roi crut la légende, lorsque le colporteur demanda sa pitance, il fut jeté dehors sans plus de cérémonie. Il ne fallait pas abuser non plus. Mais l'idée ne cessait de se frayer un chemin en lui, la curiosité l'attirant irrésistiblement comme la plus belle de ses courtisanes, glissant ses doigts fins sur les contours de son visage, effleurant la commissure de ses lèvres du bout des siennes, l'aurait attiré dans son lit. Le désir de vivre une telle aventure le brulait, un peu plus chaque jour.
Quelques temps plus tard, n'y tenant plus, il fit mander sa garde la plus expérimentée, prit son gardien avec, et ils partirent. Le chemin fut long, et les embuches nombreuses. Dans les déserts, ils résistèrent aux charmes des Lamias. Dans les forets, ils écrasèrent orcs et gobelins. Arrivant enfin au lieu dit, d'immenses falaises constamment léchées par une mer déchainée, le roi semblait heureux.
" De toute ma vie, jamais je n'avais vu cela encore. Allons-y, ne trainons pas plus longtemps. Soldats, au bout de cette escapade, la richesse nous tend ses bras, tout d'or et de pierreries ornés !"
La grotte était, par chance, accessible par la mer. Tous s'y engouffrèrent. A l'intérieur de cette dernière, une forte odeur d'iode, de sang et de mort les prit à la gorge. Mais ils continuèrent. Au bout, la richesse les attendait.
Ce qu'ils virent au fond les étonnèrent d'autant plus. Deux des fameuses créatures, étaient assises sur les rochers coupants, les toisant d'un regard mauvais.
"Qu'êtes-vous venus faire en notre demeure, humains?" Le roi balbutia, mais son gardien prit la relève : "Nous sommes venus faire affaire", dit-il, réprimant un sursaut dans sa voix. "Nous avons bien des choses à échanger."
Les créatures, deux espèces d'amphibiens, sautèrent alors de leur rocher, et s'approchèrent. Leurs visages écaileux, leurs gueules ornées de dents acérées qui semblaient telles de petites pierres plantées de façon légèrement aléatoire ne se trouvaient à présent plus qu'a quelques centimètres.
" Qu'avez vous pour nous, humains?" Le plus petit des deux amphibiens grattait son ventre tout orné du bout de sa main palmée. "Nous avons du savoir à vous offrir, des richesses d'un autre genre." Le monstre le plus proche d'eux inclina sa tête sur la droite. "Des richesses...d'un autre genre? Voila ce que nous allons faire, dans ce cas..." Surgissant de nulle part, des algues vinrent enserrer les poignets de l'armée et de sa majesté, dont aucun ne parvint à se défaire.
" Racontez nous votre savoir, et nous vous mangerons si nous nous lassons."
Les voila pris au piège : interrogés à tour de rôle, tous se devaient de leur offrir une anecdote, une once de savoir ou un petit morceau de faits qui auraient pu les instruire. Le roi fut mangé le premier. Son humble toutou en second.
Quant à moi, le colporteur de cette nouvelle histoire, j'ai été, pour tout vous avouer, en proie à une certaine couardise. Cachée derrière les rochers, j'ai fui à la mort du serviteur, qui ne tarda pas. C'est ainsi que, dans un élan de dévotion, et ayant cherché une quelconque descendance à un roi qui n'avait ni lignée directe, ni bâtards, je consentis à prendre le trône.